2006
Baîllonnements
Notre monde 2006 est morose et ne va pas très bien. Est-ce le début de la fin des illusions, comme ce fut voilà quelques années la fin des idéologies ? La démocratie s'est assoupie à l'aune du XXIe siècle malgré les signes d'alertes répétés : krach boursier, attentat à New York, Madrid et Londres, guerres en Irak, en Afghanistan, secousses sociales, voire tentatives révolutionnaires. Que de temps perdus, pour des peuples eux-mêmes perdus, que de valeurs éclatées devant la revendication générale de la violence véhiculée par le terrorisme et le fanatisme. Les signes en sont maintenant plus que visibles, malheureusement rien ne fait réagir la société occidentale qui est tétanisée sinon enfermée dans un autisme incompréhensible qui domine les relations entre les gouvernants et le peuple, caractérisé par un repli individuel et indentitaire qui n'a jamais été aussi prégnant. Des forces occultes nous assaillent, minent nos valeurs, tandis que de beaux parleurs nous exhortent de ne pas sombrer dans le pessimisme. Mais que d'ombres à l'horizon, à force de discourir dans le mensonge et l'hypocritie. Ce qui est sûr, c'est la négation de nos difficultés, sauf pour ceux qui les subissent sournoisement ou de plein fouet, les plus fragiles, les pauvres, les déshérités qu'on veut cacher derrière un tableau tronqué et factice en mettant en avant ce qui est positif ou qui feint le devenir, à défaut de l'être. On impose des précarités supplémentaires pour tenir le peuple dans la peur des lendemains et dans l'obéissance contrainte, au lieu de lui dire les vérités sur son devenir qu'il appréhende non sans raison. L'homme est asservi par la société de consommation et par son travail, ce qui fait qu'il est tenu en manque de temps culturel ou de temps spirituel et pour cela tout est fait dans nos sociétés pour qu'il n'ait pas l'espace et le temps nécessaire pour réflechir à son devenir. Pourquoi ne prône t'on pas la liberté tout court, celle qui libère l'homme des servitudes inutiles ? Je crois qu'on a peur de l'émancipation des hommes, de ses réactions face aux désillusions qu'il encaisse depuis des générations. On redoute qu'il stigmatise les dirigeants incompétents, ceux qui inventent des mots ronflants et dont les plans débouchent sur des catastrophes. Le terrorisme est une guerre contre l'occident et s'en protéger consiste à le contrer par la liberté qu'il faut semer à tout vent et qu'incarne notre modèle de société démocratique qui devrait tirer vers le haut les pays de l'Afrique et les pays arabo-musulmans en leur redonnant l'espoir. De grandes nations ont anticipé la mondialisation que l'on désigne chez nous responsable de nos maux. Nos dirigeants ont longtemps imputé à l'Europe nos déboires et notre incapacité à s'adapter aux changements de ce monde. Vivre dans une bulle est dangereux, elle peut éclater à la figure à tout moment. Des intellectuels le disent et le répètent depuis des lustres; on peut être pour ou contre des politiques menées dans un pays à condition de s'engager concrètement dans des actions qui mènent à la liberté. L'auteur Jean Chesnaux formulait début janvier 2005 un constat prémonitoire que je laisse à la réflexion. Ce constat n'est-il qu'un arbre qui cache la forêt ?
Un chemin de solitude
Le royaume des nantis, des assistés et des improductifs est traversée de soubresauts, sans qu’au pays des certitudes ces derniers ne soient inquiétés, loin s’en faudrait. Celui des jeunes, catégorie laborieuse dans l’apprentissage de la vie sociale ou de la vie tout court, est semé de peurs irraisonnées en raison de la dénaturation des mécanismes de notre société. Les gens intégrés dans la société sont au fait des engagements politiques qui sont pensées, décidées et menées démocratiquement. Mais c’est aujourd’hui notre jeunesse, future élite de demain, qui est désorientée par le manque de repères.. Elle a certes raison de s’inquiéter la jeunesse, sinon de « s’occuper » de ce qu’elle appelle l’avenir et qui leur appartient bien plus qu’aux générations maintenant descendantes d’après soixante huit. Mais comme rien n’est jamais définitivement acquis pour les actifs, en raison des évolutions permanentes que connaissent nos sociétés occidentales, il faudrait qu’émerge du rang commun une ou plusieurs personnalités capables d’expliciter les politiques futuresL dans ce qu’elles seraient nécessaires à la survie du modèle occidental et insuffler les élans nécessaires aux réformes indispensables qui doivent être conduites à cet égard, surtout dans les domaines régaliens. Hélas, pareil personnage ne serait pas advenu, et aucun chef charismatique ne serait en vue, même si « le tout venant du petit monde politique» se bouscule devant le pouvoir, car a priori c’est le pouvoir qui intéresse, on le sait bien, les citoyens n’étant sollicités que pour permettre à quelques uns d’y accéder…et pour ne voir que promesses et manigances…et tant de désenchantements creuser le fossé de l’incompréhension intergénérationnelle. Les citoyens seraient-ils à ce point naïfs pour ne pas voir les moyens qui sont utilisés pour voir flouer des actions politiques au point de les rendre opaques? Serait-on étonné alors de voir interpeller les plus hautes autorités par des quidams illégitimes qui ne représentent qu’eux-mêmes ou un nombre insignifiant d’affidés pour ajouter à la confusion ? Mais cela est tout aussi vrai, qu’on parle de groupes politiques, de syndicats, d’associations ou assemblées constitués dans les domaines les plus divers, car ce qui brille attire et l’habit fait le moine la plupart du temps chez nous, oubliant qu’un engagement public devrait découler d’une vocation désintéressée, et exigeant, avant toute chose, abnégation et compétence. Faut-il changer la et les politique(s) ? parce qu’inefficace ou usés, par des concepts et des individus nouveaux?... mais ça, c’est une autre histoire…qui reste d'abord à penser.
2009
Incertitudes
Quelles sont nos musiques de demain, nos styles de peintures et nos romans dans la mélancolie de notre époque. Nul ne le sait encore, car le XXIe siècle est naissant, mais il se dessine dans l'avenir des nostalgies alarmantes que nos créations rempliront de joies feintes et d'espoirs du bout des lèvres tant le désenchantement est à nos portes. Que d'illusions, que de deuils, que d'échecs et que de morosité dans notre société qui s'accomode d'outrances et de sauvageries extrêmes. Seul le génie de l'homme, son humilité et ses délires fous lui permettront de survivre, solitaire et soucieux du monde qui l'entoure, dans l'amertume des lendemains qu'il s'efforce de faire chanter. Quelles valeurs devront nous réinventer pour mettre au goût d'un jour prochain l'homme nouveau, apaisé, érudit et lucide. Faut-il s'asseoir et poser sa tête lourde sur la main et pensivement dans le mi-obscur de soi-même prendre à la dérision tous les malcontents qui créent ou ne créent pas, et qui meurent le plus souvent vite sans avoir vraiement vécu ? Fièvre et douleur, volupté puis tristesse, jouissance puis mort, n'est-ce pas le cheminement de toute oeuvre créatrice ?
Les litterateurs ne sont pas morts. Mais le problème, c'est que chacun veut se prendre pour un écrivain alors qu'à l'évidence écrire ne s'improvise pas et qu'il n'est pas donné à tout le monde, sans la production d'efforts continus, émaillés de périodes de découragements ou alors d'illuminations, de donner de véritables bonheurs de plume. Les vrais litterateurs sont à la fois des lettrés, des anticonformistes et des passeurs de mémoire. D'aucuns sont engagés par ailleurs dans des luttes politiques ou sociales pour combattre la censure quelle qu'elle soit, surtout celle qui est latente et qui s'insinue sournoisement dans les activités ou les attitudes de l'homme qui a tendance à s'auto censurer sous la pression sociale. D'autres souvent sont des voix qui nous parlent de loin, nous parvenant qu'en écho dans le brouhaha qui voudrait nous tenir à l'écart des paroles qu'ils nous adressent. Mais tous font découvrir les manques de l'existence et chacun d'entre eux est unique dans sa parole. Ce qui est certain et le plus important, c'est qu'ils seront toujours là pour déranger et tant mieux.
Juillet 2009 Ville côtière de la méditerranée entre Marseille et Toulon, Cassis exiguë, encaissée, au stationnement irrémédiablement complexe pour les voitures, escarpée et tortueuse à pieds, avec sa plage étroite de petits galets crissant sous les pas, des eaux rapidement profondes et froides à la jetée des rochers qui enserrent alentours, dominée par la propriété Michelin et formant calanques et criques après le port de plaisance. Cité animée par une bourgeoisie discrète et volontaire. Le port en arc de cercle donne l'ouverture vers la mer qui brille d'un bleuté sombre comme ses profondeurs où coulèrent des sous-mariniers près de la côté en 1943, tels des hommes " humbles parmi les humbles, mais plus fiers parmi les fiers" comme disait Frédéric Mistral. Les rues pleines de cigales où la végétation demeure reine, ailleurs un soleil de plomb fait fondre le bitume au plus près des quinze heures. Rares les seins nues sur la plage, comme les temps changent du permissif au puritanisme léger depuis l'avènement du nouveau siècle américanisé.
La mer fascine. Elle est grandiose et minuscule, immensités liquides aimée et haïe des explorateurs, géographes et aventuriers. Muse des écrivains aux longs cours avec ses flots sombres et violents et ses carnages.
Ailleurs, à Marseille, partout la marche vers l'indistinct et l'oisiveté. Des rues sales, souillées d'excréments de chiens et de papiers gras, de mégots, de sécrétions humaines, et tutti quanti. Le monde est couleur de cendre et se lit comme un roman insondable et immense, comme la mer. On y devine le reflet d'ombre qu'il y a en lui quand il tourne et regarde derrière soi, créé avec l'oeil de l'esprit de l'homme qui verse ses larmes d'espoir qui scintillent comme des diamants, tel une petite passion qui se couronne de flammes, comme un grand incendie. Et ce livre fait étinceler des pleurs dans des millions d'yeux et respirer le vent salé de la mer, ce sel cuisant sur des blessures ouvertes qui suintent à n'en plus finir, des pointes d'aiguilles enfoncées dans la chair. On cherche les mots dans la bouche avant qu'ils n'aient été prononcées ou couchés sur la page électronique. On suffoque dans cette atmosphère délétère qui n'est jamais balayée par le vent. Mais on veut produire, extraire avec supplice, dans l'enthousiasme et l'accablement, les mots du fond de soi, pour dire, redire, pour stipuler la vie comme elle est, comme on la voudrait, la souhaitant volupté et souffrance, spasme continu et éruption permanente, comme un volcan jaillissant en feu sur une mer d'huile. Des lieux communs comme on en fréquente souvent. Là où les choses se font sans vraiment se lier ou se délier.
Il faut ranger, ordonner, combiner, rassembler, entasser, sérier, jeter, se défaire, expulser, évacuer, toutes ces milles choses insignifiantes, anodines qui remémorent et suscitent un retour du et vers le passé. Mais, pas éteindre la mémoire dont nous sommes issus, voilà conserver l'indispensable de la flamme. AH1N1 en embuscade pour pas très longtemps, explosion garantie, méfiance, crainte, peur; le crabe comme un fantôme qui guette au coin du bois, tentaculaire, attrape tout. Croix de bois et croix de fer se partagent l'enfer. Les ondes malfaisantes rodent autour. Pas d'ombre, pas de lumière. Alors triomphe la lumière dans un coin de mémoire.
Le temps joue des tours. Je veux dire pas la météo mais l'espace intemporelle qui s'égraine continûment, car il n'existe pas de fin des temps comme on le fait croire. C'est un leurre que de prescrire son arrêt. En vain. Seulement pour les uns l'arrêt du temps est consommé, comme pour Claude, mon ami d'enfance, dont je viens d'apprendre avec moulte bouleversements la disparition remontant à quelques mois déjà. Lui, si proche en distance quand je sied dans mon village à Swiller et cependant si éloigné depuis nos vingt ans où chacun prenait des directions différentes. Les hommes se disent fort dans le chagrin, mais restent des petits enfants dans leur coeur qui leur réveille une foule de souvenirs une fois devant l'adversité. J'avoue la lourde tristesse qui me poursuit encore au moment de l'écriture de ces lignes, persuadé qu'une part de ma jeunesse s'est ainsi éteinte, m'appelant à poursuivre plus que jamais le culte de la con
Juillet 2009
Ville côtière de la méditerranée entre Marseille et Toulon, Cassis exiguë, encaissée, au stationnement irrémédiablement complexe pour les voitures, escarpée et tortueuse à pieds, avec sa plage étroite de petits galets crissant sous les pas, des eaux rapidement profondes et froides à la jetée des rochers qui enserrent alentours, dominée par la propriété Michelin et formant calanques et criques après le port de plaisance. Cité animée par une bourgeoisie discrète et volontaire. Le port en arc de cercle donne l'ouverture vers la mer qui brille d'un bleuté sombre comme ses profondeurs où coulèrent des sous-mariniers près de la côté en 1943, tels des hommes " humbles parmi les humbles, mais plus fiers parmi les fiers" comme disait Frédéric Mistral. Les rues pleines de cigales où la végétation demeure reine, ailleurs un soleil de plomb fait fondre le bitume au plus près des quinze heures. Rares les seins nues sur la plage, comme les temps changent du permissif au puritanisme léger depuis l'avènement du nouveau siècle américanisé.
La mer fascine. Elle est grandiose et minuscule, immensités liquides aimée et haïe des explorateurs, géographes et aventuriers. Muse des écrivains aux longs cours avec ses flots sombres et violents et ses carnages.
Ailleurs, à Marseille, partout la marche vers l'indistinct et l'oisiveté. Des rues sales, souillées d'excréments de chiens et de papiers gras, de mégots, de sécrétions humaines, et tutti quanti. Le monde est couleur de cendre et se lit comme un roman insondable et immense, comme la mer. On y devine le reflet d'ombre qu'il y a en lui quand il tourne et regarde derrière soi, créé avec l'oeil de l'esprit de l'homme qui verse ses larmes d'espoir qui scintillent comme des diamants, tel une petite passion qui se couronne de flammes, comme un grand incendie. Et ce livre fait étinceler des pleurs dans des millions d'yeux et respirer le vent salé de la mer, ce sel cuisant sur des blessures ouvertes qui suintent à n'en plus finir, des pointes d'aiguilles enfoncées dans la chair. On cherche les mots dans la bouche avant qu'ils n'aient été prononcées ou couchés sur la page électronique. On suffoque dans cette atmosphère délétère qui n'est jamais balayée par le vent. Mais on veut produire, extraire avec supplice, dans l'enthousiasme et l'accablement, les mots du fond de soi, pour dire, redire, pour stipuler la vie comme elle est, comme on la voudrait, la souhaitant volupté et souffrance, spasme continu et éruption permanente, comme un volcan jaillissant en feu sur une mer d'huile. Des lieux communs comme on en fréquente souvent. Là où les choses se font sans vraiment se lier ou se délier.
Il faut ranger, ordonner, combiner, rassembler, entasser, sérier, jeter, se défaire, expulser, évacuer, toutes ces milles choses insignifiantes, anodines qui remémorent et suscitent un retour du et vers le passé. Mais, pas éteindre la mémoire dont nous sommes issus, voilà conserver l'indispensable de la flamme. AH1N1 en embuscade pour pas très longtemps, explosion garantie, méfiance, crainte, peur; le crabe comme un fantôme qui guette au coin du bois, tentaculaire, attrape tout. Croix de bois et croix de fer se partagent l'enfer. Les ondes malfaisantes rodent autour. Pas d'ombre, pas de lumière. Alors triomphe la lumière dans un coin de mémoire.
Le temps joue des tours. Je veux dire pas la météo mais l'espace intemporelle qui s'égraine continûment, car il n'existe pas de fin des temps comme on le fait croire. C'est un leurre que de prescrire son arrêt. En vain. Seulement pour les uns l'arrêt du temps est consommé, comme pour Claude, mon ami d'enfance, dont je viens d'apprendre avec moulte bouleversements la disparition remontant à quelques mois déjà. Lui, si proche en distance quand je sied dans mon village à Swiller et cependant si éloigné depuis nos vingt ans où chacun prenait des directions différentes. Les hommes se disent fort dans le chagrin, mais restent des petits enfants dans leur coeur qui leur réveille une foule de souvenirs une fois devant l'adversité. J'avoue la lourde tristesse qui me poursuit encore au moment de l'écriture de ces lignes, persuadé qu'une part de ma jeunesse s'est ainsi éteinte, m'appelant à poursuivre plus que jamais le culte de la conservation afin de ne pas trahir la réalité de ce qui fut.
Ancrée au plus profond de nous-mêmes, la tradition d’honorer les morts à la Toussaint, fête religieuse catholique, se perpétue par delà les générations. Une pensée pour les disparus, le fleurissement des monuments funéraires, permettent tout simplement de ne pas oublier la vie des hommes qui nous ont marqués dans notre chair ou dans notre esprit. Ce sont les témoins du temps passé pas si loin que ça, d’un autre monde que celui qui a cours aujourd’hui, disparu, évoqué ou alors plus proche de nous dans les banlieues de nos souvenirs.
S’entrechoquent les moments tragiques, les évènements heureux, les haines, les rengaines, les amours, les passions, les amitiés déçues ou pas, les bonheurs éphémères s’en faut, dans ce jardin que chacun cultive en soi, enfoui sous le sceau de fragiles secrets que l’on dévoilent avec circonspection, au compte goutte, à l’évidence, pour en transmettre des bribes, des paroles, des attitudes, des gestes, des actes, des abstentions.
C’est aussi l’époque du chrysanthème, ces fleurs originaires du Japon, qui a servi de modèle au peintre Monet et qui se décline sur les tombes en 400 variétés distinctes, petites ou grandes fleurs aux coloris chatoyants, la fleur du cimetière par excellence. Cet art floral a donné le festival du chrysanthème de Lahr, ville badoise allemande, où se rendent des milliers de visiteurs, allemands, suisses, autrichiens, alsaciens, qui déambulent dans un océan de couleurs pour se noyer dans la magie de la chrysanthèma.
Des lumières blafardes tombaient des réverbèrent sur la place de la Liberté. (Rien que l'évocation du mot liberté donne des frissons dans les méninges, tant ce concept a été égratigné depuis l'avènement de qui on sait et tant elle pousse à la resistance aux opprésseurs de toute sorte).
L'ombre que projetait ma silhouette à leur passage se dessinait sur les pavés tel un fantôme qui s'étirait ou rétrécissait au gré des déplacements.
Ce jeu de reflets sombres virant au noir dès que je m'écartais de la lumière, s'apparentait à un rayon de soleil dans la maussaderie du temps.
Les lieux avaient gardé le charme tremblé de l'époque. Et plus que jamais, je fus en attente du retour des disparus en les imaginant comme ils vivaient, pourtant pas de manière distincte de nous: la même nuit noire, des étoiles invariées, occultées par des nuages monstrueux qui plombaient l'horizon et l'air frais d'ouest qui fusait dans la végétation alentours et qui me griffait le visage.
Le vieux cimetière charriait des images lugubres entre les murs qui l'encerclaient de pesantes pierres sur lesquels nous courrions gamins à la recherche de l'insouciance ou d'on ne savait quoi. L'important alors était la vision d'espaces que nos imaginations fabriquaient tout le temps pour échapper à la monotonie des jours se répétant l'un apès l'autre.
La nuit tient à ceci qu' elle propage malgré elle un sentiment de force et de globalité qui renforce la capacité de perception. Elle instille la fragilité de l'être qui reste aux aguets de sa propre survie et les sens sont alors ouverts pour l'écoute de soi, profond, très profond.